Jean-Pierre RÉGINAL
DANS L'ENTRE-DEUX
1/
C’est entre l’encre et le stylo,
Entre l’air et le fil de l’eau,
Que je bourlingue.
Juste à la naissance des mots
Où je rythme pianissimo,
Ma vie de dingue.
Entre l’ivraie et le bon grain,
Je gratte du papier chagrin,
Je funambule
Et pour narguer le point final,
J’ajoute à ce flot séminal
Quelques virgules.
Il se fait tard, tu n’y peux rien,
Le mal est fait, il me convient.
2/
La page blanche à ma portée
Est pleine de mots avortés,
Mieux vaut en rire
Et je n’ai rien en vérité,
Qu’un petit coin d’éternité,
Pour tout te dire.
Le cœur piégé entre deux chaises,
Entre sol bémol et fa dièse
Je temporise,
En attendant incognito
Qu’on m’apporte enfin le gâteau,
Sous la cerise.
Il se fait tard, tu n’y peux rien,
Le mal est fait, il me convient.
3/
Sur le marchepied qui sépare
Les TGV des quais de gare,
La foule immense
Confond dans le même vacarme,
Les cris de bonheur et les larmes
Et les silences.
Dieu que la frontière est ténue
De la caresse à la peau nue,
Quand la main tremble,
Et l’espace est-il assez grand
Pour contenir les sentiments
Qui nous assemblent.
Il se fait tard, tu n’y peux rien,
Le mal est fait, il me convient.
4/
C’est à la fracture du temps,
Lorsqu’à la pendule l’instant
Se démesure,
Qu’on fait descendre des wagons
Des voyageurs un peu bougons,
Sur la bordure.
De cette rive on nous a dit
Qu’on pourrait voir le Paradis,
Même sans jumelles
Et qu’un passeur nous aiderait
A rejoindre l’ultime arrêt,
En un clin d’aile.
Et dans cet entre-deux, maman,
Peut-être bien que tu m’attends.
Copyright jpreginal.com - Photographies de scène Florian LEDOUX - Réalisation du site Marc SERVERA